dimanche 28 décembre 2014

La loi de 1905 : une laïcité intelligente et non un laïcisme de combat.

Sans cesse, on nous serine « la laïcité » pour mettre l’expression de la foi sous un couvercle de béton, c'est-à-dire dans la plus stricte intimité ! A l’évidence, nombreux sont ceux qui, bien plus qu’athées, sont des militants virulents dont l’objectif est d’éradiquer toute forme de foi. Les mêmes sont certainement prêts à se définir comme tolérants, conciliants, ouverts, … Mais ce sont fondamentalement des intolérants, à l’esprit fermé sur leurs certitudes idéologiques.

Ils sont pris d’une véritable phobie (sentiment allant de la détestation à la haine accompagnée d'une attitude hostile et de rejet) dès qu’ils entendent de tels mots : religion, foi, messe, chrétien, catholique, musulman, crèche, Toussaint, Pâques, …

Une institutrice me disait récemment qu’elle ne devait plus employer le terme de Toussaint, ni celui de sapin de Noël (à remplacer par " arbre de lumière " !), ni même celui de fève qui fait référence aux rois Mages !

Ont-ils raison de militer ainsi ? Sont-ils en accord avec les Pères fondateurs de la laïcité en France ? Pour le savoir, le mieux est d’aller voir le texte de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.

Article 1. La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.

La loi non seulement n’interdit pas l’exercice des cultes, mais en plus elle en garantit le libre exercice !
Certes sous certaines conditions, mais la République ne manifeste pas une sainte horreur des cultes religieux !!

Article 2. La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3.

La séparation ne se fait pas par rejet et interdiction, mais seulement en coupant le soutien financier des cultes, quelle que soit la religion.

Il aurait pu en être autrement, mais cela est acceptable : en effet, les liens financiers peuvent dériver sous toute forme d’influence et de relations bien peu légales.

Mais, il faut noter trois éléments importants pour comprendre que l’Etat n’a aucune phobie religieuse :

-         si l’Etat a nationalisé les édifices religieux construits avant 1905 (et leurs mobiliers), il en a non seulement accordé la jouissance gratuite aux religions concernées mais, en plus, il en assure l’entretien du propriétaire ;
-         l’Etat accorde à toute association conforme à la lettre de la loi de 1901 des subventions ou avantages lorsqu’elles sont reconnues d’utilité publique, sans en exclure les associations de fidèles religieux ;
-         l’Etat supporte les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics !

Ce troisième point est fondamental pour comprendre l’ouverture d’esprit des Pères fondateurs de cette loi : lorsqu’il impose à une personne une contrainte de vie, l’Etat non seulement se charge de lui permettre de pratiquer son culte, mais plus encore il prend en charge certaines dépenses.

Prenons l’exemple des armées : fin 2010, il y avait 221 aumôniers dans les armées (141 catholiques, 33 protestants, 30 musulmans et 17 israélites). Ils ont un statut militaire et sont rémunérés sur le budget de la Défense. A bord des navires militaires selon leurs tailles, dans les régiments et les bases de l’armée de l’Air, il y a des chapelles et des messes y sont dites régulièrement.

L’Etat soutient la pratique de son culte dans certains édifices publics (casernes, hôpitaux, prisons, …) par toute personne qui est contrainte par son statut à résider dans cet édifice.

Article 27. Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d'un culte, sont réglées en conformité de l'article L2212-2 du code général des collectivités territoriales.
Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l'association cultuelle, par arrêté préfectoral.

Cet article montre que ceux qui veulent réduire l’expression de la foi au domaine privé sont en infraction avec la loi !

L’article 28 a été traité précédemment dans mon blog : il montre que les restrictions relatives aux signes et emblèmes religieux sont réelles mais ne couvrent pas le champ complet de l’espace public.

Une fois de plus, il n’est pas conforme à la loi d’interdire toute présence à connotation religieuse dans l’espace public. Sinon, il faudrait supprimer du Louvre probablement les deux tiers des œuvres qui y sont exposées, tant l’histoire de l’art est liée au religieux !

Il y a quelques autres articles qui peuvent éclairer certains points particuliers des rapports de l’Etat et des cultes (associations pour l’exercice des cultes, police des cultes).

Enfin, la plupart des articles que je n’ai pas mentionnés concernent les règles de transition nécessaires à la mise en œuvre de cette loi : ils ne sont évidemment plus d’actualité aujourd’hui.

On peut donc conclure que la laïcité des Pères fondateurs de cette loi a été mesurée dans son application, qu’elle ne porte aucun jugement moral sur le fait religieux, qu’elle le reconnaît et le prend en compte intelligemment et avec un esprit ouvert.

A l’inverse, certains se servent de cette loi pour éradiquer le fait religieux de notre société, pour lutter contre la présence de crèches dans l’espace publique, pour faire disparaître les termes religieux des agendas (on fête les « Maurice » et non plus la « Saint Maurice ». On supprime les références aux fêtes religieuses catholiques des agendas), etc. Ce faisant, ils coupent les Français de leurs racines historiques, à l’encontre des connaissances psychologiques qui affirment combien tout être vivant a besoin de ses racines pour se développer harmonieusement ! Pourquoi protéger les plantes et les animaux avec tant d’attention et se permettre d’éradiquer des pans entiers de la vie humaine ?

Cela me rappelle la volonté de Vincent Peillon « d’arracher l’élève à tous les déterminismes », dont le déterminisme familial ! Oserait-on faire cela au plus petit des animaux, à la plus petite des plantes ?


La laïcité a été érigée en France pour que l’on « rende à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu ». Telle est la loi de 1905. 

C’est en définitive une loi du vivre ensemble et non de la lutte fratricide, dont il faudrait réapprendre les termes et pratiquer l’esprit initial pour une vie paisible en société.

samedi 27 décembre 2014

Crèche et laïcité : un argumentaire.

Décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a jugé la présence d’une crèche de noël dans le Conseil général de Vendée - instaurée depuis plusieurs années - « incompatible avec la neutralité du service public ».

Mais que dit la loi de 1905 ? Il faut aller voir son article 28 pour trouver un élément de réponse : « Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions ». C’est tout !

Une lecture rapide semble confirmer la justesse du tribunal administratif. Mais, il est nécessaire d’en étudier tous les mots pour être certain de cette justesse.

La crèche est-elle un signe ?

Pour le Larousse, un signe est :

-         ce qui permet de connaître ou de reconnaître, de deviner ou de prévoir quelque chose (« Il n'y a aucun signe d'amélioration » ; « Quand les hirondelles volent bas, c'est signe de pluie »). Ce que n’est pas une crèche ;
-         un geste ou une mimique permettant de faire connaître une pensée ou de manifester un désir, un ordre (« Faire un signe de la tête »). Ce que n’est pas une crèche ;
-         une marque distinctive faite sur quelque chose (« Marquer d'un signe les arbres à abattre »). Ce que n’est pas une crèche ;
-         une représentation matérielle d'une chose, dessin, figure ou son ayant un caractère conventionnel (« Signes de ponctuation »). Ce que n’est pas une crèche ;
-         un phénomène extraordinaire, miracle, dans le domaine surnaturel, religieux. Ce que n’est pas une crèche.

A l’évidence, une crèche n’est pas un signe !

La crèche est-elle un emblème ?

Pour le Larousse, un emblème est :

-         un signe conventionnel à valeur symbolique, parfois accompagné d'une légende en forme de sentence. Ce que n’est pas une crèche ;
-         un être ou objet symbole d'une qualité, d'une chose abstraite (« La colombe est l'emblème de la paix »). Ce que n’est pas une crèche ;
-         un attribut destiné à représenter une autorité, une personne, une collectivité. Ou un insigne (« Les emblèmes de la royauté »). Ce que n’est pas une crèche.

A l’évidence, la crèche n’est pas un emblème !

A ce niveau d’étude de l’article 28, on voit d’ores et déjà que la crèche ne rentre pas dans les interdits de la loi de 1905.

La crèche est-elle « élevée » sur un monument public ou en quelque emplacement public que ce soit ?

Pour le Larousse, « élever » veut dire :

-         mettre, placer, porter quelque chose plus haut ; hisser, soulever (« Élever des blocs de pierre avec une machine »). Ce qui n’est pas le cas pour une crèche ;
-         de manière littéraire, tenir quelque chose dressé vers le haut (« Cyprès qui élèvent leurs cimes »). Ce qui n’est pas le cas pour une crèche ;
-         placer quelque chose verticalement par rapport au sol ; dresser, ériger (« Élever un mât de cocagne ») ;
-         bâtir, construire (« Élever un monument ») ;
-         de manière littéraire, fonder, établir (« Élever une théorie »). Ce qui n’est pas le cas pour une crèche ;
-         émettre une objection, un doute, une protestation, etc. Ce qui n’est pas le cas pour une crèche;
-         augmenter (de tant) une valeur, un niveau (« Les pluies ont élevé le niveau du fleuve de 50 centimètres »). Ce qui n’est pas le cas pour une crèche ;
-         porter à un rang supérieur dans un ordre social, moral ou intellectuel (« Elever quelqu'un à la dignité de professeur émérite ». « Élever le débat »). Ce qui n’est pas le cas pour une crèche.

Seuls les troisième et quatrième sens peuvent s’envisager pour une crèche.
Cependant, la crèche n’est pas placée verticalement par rapport au sol, mais elle prend une place bien plus horizontale que verticale.
Si on peut la considérer comme bâtie ou construite, c’est de manière extensive par rapport au sens premier de ces termes car elle n’est que montée avant d’être démontée !

Une crèche, à l’évidence, n’est pas « élevée ».

Quoiqu’il en soit, comme elle n’est ni un signe ni un symbole, rien n’interdirait de « l’élever » en un emplacement public.

La crèche est-elle « apposée » sur un monument public ou en quelque emplacement public que ce soit ?

Pour le Larousse, « apposer » veut dire :

-         appliquer quelque chose sur quelque chose (« Apposer une affiche sur un mur »). Ce qui n’est pas le cas pour une crèche ;
-         inscrire une signature, une marque, etc., sur un document (« Apposer un visa sur un passeport »). Ce qui n’est pas le cas pour une crèche.

Une crèche, à l’évidence, n’est pas « apposée » sur un monument public ou en quelque emplacement public que ce soit.

Une crèche ne devrait donc pas être interdite à l’intérieur d’un monument public ou dans un emplacement public.