dimanche 9 août 2015

Le pape, combien de divisions ? Mais non, combien de réconciliations !

Le Vatican a la représentation diplomatique la plus importante du monde, par des relations bilatérales avec 180 Etats. Seuls 15 Etats n’ont pas de relations diplomatiques avec le Vatican : Afghanistan, Arabie saoudite, Bhoutan, Brunei, Chine, Comores, Corée du Nord, Laos, Maldives, Mauritanie, Myanmar (Birmanie), Oman, Somalie, Tuvalu et Vietnam.

On peut se demander si, en dehors des affaires religieuses, cette puissance diplomatique a des impacts sur les affaires du monde. La réponse est positive, d’autant plus qu’elle a eu récemment des succès dans des situations internationales bloquées depuis des décennies ou, plus impressionnant encore, dans la chute de l’empire soviétique.

Le pape François et la guerilla des FARC (août 2015)

La guerilla des Farc a exprimé, le 2 août 2015, le « souhait » de rencontrer le pape François lors de sa visite prévue en septembre à Cuba, où des représentants de cette guérilla marxiste mènent des pourparlers de paix avec le gouvernement colombien depuis 2012. « Nous aimerions le faire, ce serait extraordinaire », s'est enthousiasmé le numéro 2 de la guérilla, Ivan Marquez, devant la presse à La Havane. « Nous pouvons imaginer l'impact qu'aurait un appui du pape François à l'effort collectif que fournissent tous les Colombiens pour enfin parvenir à une réconciliation après des décennies de confrontation », a-t-il ajouté.

Lors d'une tournée en Amérique du Sud plus tôt en juillet, le souverain pontife avait exprimé le voeu que le processus actuellement en cours « ne s'arrête pas », à un moment où les négociations traversaient une phase délicate après la reprise des actes de violences en avril. « Nous sommes toujours disposés à apporter notre aide, de quelque manière que ce soit. Il serait dommage que le processus de paix n'avance pas », avait-il déclaré.

Les Farc ont déclaré le 20 juillet un cessez-le-feu unilatéral, auquel le gouvernement a répondu en suspendant les bombardements des camps de la guérilla.
Le conflit armé en Colombie a fait officiellement en un demi-siècle quelque 220 000 morts et provoqué le déplacement de six millions de personnes.

Le pape François, la Bolivie et le Chili  (juillet 2015)

Depuis 1978, en raison d’un différend frontalier concernant un accès à la mer, les relations diplomatiques de la Bolivie avec le Chili sont suspendues. Or, en juillet de cette année, le Chili et la Bolivie se sont dits prêts à accepter le rétablissement de leurs relations. Le président bolivien, Evo Morales, a alors proposé à la présidente chilienne Michelle Bachelet de l’accompagner au Vatican, pour mettre en place la médiation du pape.

Pendant son voyage en Bolivie, du 8 au 10 juillet, le pape François avait abordé ce thème « de l’accès à la mer », en soulignant que le « dialogue est aujourd’hui indispensable ». Cette déclaration avait pris de court le gouvernement chilien qui comptait sur la neutralité du Saint-Siège en la matière.
Le président bolivien Evo Morales a déclaré : « Nous sommes d’accord pour rétablir les relations diplomatiques avec le Chili, pour qu’en moins de cinq ans nous résolvions le problème d’accès à la mer pour la Bolivie, une sortie souveraine sur l’océan Pacifique, avec un garant, le pape François ».

Le pape saint Jean-Paul II (à partir de 1996), le pape François et Cuba (mai 2015)

Le dimanche 10 mai 2015, le président cubain Raul Castro se trouvait au Vatican pour y rencontrer le pape François et le remercier de ses bons offices, qui ont permis le rapprochement historique en cours entre Cuba et les États-Unis.
Le Vatican et le pape François ont effet joué un rôle important dans le rétablissement des relations diplomatiques entre La Havane et Washington en décembre 2014, après plus de cinquante ans de tensions.
Le Vatican avait révélé une médiation personnelle du souverain pontife, qui avait écrit aux deux chefs d'État. Les délégations des deux pays avaient également été reçues au Saint-Siège en octobre. Déjà, en 1998, Jorge Bergoglio s’était intéressé personnellement à la question cubaine, écrivant un essai intitulé "Dialogue entre Jean Paul II et Fidel Castro". Il était alors cardinal de Buenos Aires.

Après cette rencontre, Raul Castro s'est déclaré « très frappé », saluant « la modestie et la sagesse » du Pape et assurant qu'il « se rendrait à toutes ses messes quand il visiterait Cuba ». « Je lis tous les discours du Saint-Père et [....] si le pape continue à parler ainsi, un jour je recommencerai à prier et retournerai à l'Église catholique. Et je ne le dis pas pour plaisanter ».

En 1996, Fidel Castro s’était rendu au Vatican pour rencontrer Jean Paul II. Un rapprochement est amorcé et l'Église commence à s'imposer comme interlocuteur du régime communiste à partir de la visite de Jean-Paul II en janvier 1998.
La médiation entre Cuba et l'administration américaine a été un grand succès pour la diplomatie discrète du Saint-Siège. Elle a eu un fort impact sur le continent latino-américain,

Le pape saint Jean-Paul II et la chute de l’URSS

Une grande partie de la vie de celui qui a été le premier pape polonais s’est déroulée sous le joug ou face à la puissance communiste de l’URSS. A la fois combatif et plein d’amour, le futur Jean-Paul II gagne plusieurs batailles face au pouvoir, tout en gagnant aussi l’estime de plusieurs de ses adversaires. Sa règle d’or restera toujours la suivante : il veille à ne jamais humilier ses adversaires du système communiste, en leur laissant toujours la possibilité d’une issue honorable en cas de conflit. Et c’est là qu’intervient la logique efficace du pardon et de la réconciliation, si efficace pour éviter le piège de la haine vindicative.
Devenu archevêque de Cracovie, en union étroite avec la population catholique, il obtient à l’arraché la construction de la grande église de Nova Huta, dans la banlieue ouvrière de Cracovie, que les dirigeants marxistes avaient conçu et prévu comme une cité sans Dieu. Il y a fallu un long bras de fer de plusieurs années, mais sans aucune violence. C’est un combat spirituel.
En 1976, le futur Pape apporte son soutien personnel à la création du KOR, le Comité de défense des ouvriers lancé par des précurseurs laïcs du futur syndicat « Solidarité », alors jetés en prison, Adam Michnik et Jacek Kuron, anciens communistes en rupture avec le régime. Il va ainsi sceller une alliance libératrice entre l’Église de Pologne et des intellectuels laïcs issus du marxisme.
Vis-à-vis du Bloc de l’Est, Jean-Paul II a procédé le plus possible par une action apostolique directe : une pastorale de la liberté religieuse et des droits de l’homme qui en découlent nécessairement. Il a agi de plusieurs façons :
-                     soit par un contact direct avec les foules (comme dans sa Pologne natale en juin 1979 à Varsovie, juin 1983 à Cracovie et juin 1987 à Gdansk) ou par le biais de nombreux peuples occidentaux,
-                     soit par l’intermédiaire de Radio-Vatican (par exemple en direction de pèlerins tchèques et slovaques rassemblés en 1984 au sanctuaire marial populaire de Levoca, provoquant à la fois la fureur et la perplexité de la police communiste locale qui perquisitionnera ensuite, cherchant en vain des cassettes d’enregistrement là où il n’y avait qu’un poste de radio…),
-                     soit au niveau des épiscopats et clergés locaux des Églises de l’Est, sœurs de l’Église de Pologne (par exemple en redonnant courage au vieux cardinal Frantisek Tomasek, ancien prisonnier de conscience, à Prague dans les années 80 malgré des pressions policières très dures…)

Saint Jean-Paul II va globalement soutenir le clergé et les fidèles résistants contre tel élément négatif d’une hiérarchie bâillonnée, comme dans la Hongrie décapitée par la neutralisation puis la disparition de l’héroïque Cardinal Mindszenty, arrêté, torturé et victime d’un procès stalinien dès 1949.

Saint Jean-Paul II soutient le mouvement Solidarnosc, dès ses débuts, à mots à peine couverts. Face aux menaces d'intervention des forces du pacte de Varsovie, il s'adresse à Leonid Brejnev pour défendre la souveraineté de la Pologne. En janvier 1981, il reçoit chaleureusement Lech Walesa au Vatican. La résistance du pays, encadrée par l'Église et soutenue par le pape, ainsi que l'effondrement de l'économie polonaise ont ainsi fait échouer, pour la première fois à l'Est, une entreprise de normalisation communiste. Le 1er décembre 1989, celui qui est encore à la tête de l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev, est reçu au Vatican, et l'Union soviétique disparaît dans la tourmente de la fin de l'année 1991.

Tout le monde connaît la fameuse interpellation de Staline : « Le pape, combien de divisions ? ».

Staline avait « tout faux » ! La question à poser est la suivante : « Le pape, combien de réconciliations ! ».

Oui, la diplomatie du Vatican connaît des succès étonnants car le pape est certainement la seule personnalité au monde qui fonde son action sur une culture de paix et de rapprochement des peuples, et parce que l’Eglise est « universelle », présente partout (parfois de manière cachée comme en Chine) et oeuvrant pour le bien commun de l’humanité.
En effet, seule la recherche du bien commun peut satisfaire les différents protagonistes sans conflit alors que, trop souvent, les chefs d’Etat sont mus par des intérêts nationaux, personnels, ou autres. Or, on le sait, tout intérêt en vient à un moment ou à un autre à s’opposer à d’autres intérêts et donc est générateur de conflit.