vendredi 27 juin 2014

Une notation juste et en vérité, c'est déjà une oeuvre d'éducation !

A partir de mon livre : " Un peu de bon sens à l'école ... Ou l'école efficace sans dépenser un sou ! ".

Depuis longtemps, des pédagogues en mal de « psychologisme » déclarent qu’il ne faut pas noter car cela « stigmatise » les élèves, les « frustre », et maintient une pratique « discriminatoire » entre ceux qui ont un milieu familial favorable et les autres.

Mais, sans notation, l’élève n’a plus de référence sur la qualité de son travail et de ses efforts : or, en toute chose et à toute étape de notre vie, nous avons besoin de points de repères fixes et solides. Sans notation, l’élève est maintenu dans une bulle irréelle de relations humaines car il risque de finir par croire que son individualité (ses connaissances, ses savoirs, sa manière de travailler, …) est détachable de toute autre réalité humaine et qu’il est sa propre référence.

Par ailleurs, la vie est concurrence, choix, sélection : la notation prépare les élèves à cette compétition habituelle. La compétition peut être considérée comme néfaste lorsqu’elle épuise les forces des uns et des autres, et lorsqu’elle laisse les plus faibles en chemin. Mais, la compétition est également une source de motivation personnelle, une invitation à aller plus loin, à se dépasser. Il suffit de regarder combien les enfants aiment se mesurer entre eux dans des activités sportives ou dans des jeux pour comprendre qu’ils n’ont pas peur de s’étalonner et de voir leurs efforts sanctionnés plus ou moins négativement : même leurs jeux électroniques, qu’ils prisent tant, affichent toujours des scores à battre ! A l’école, il suffit que la compétition soit saine, c'est-à-dire qu’elle ne laisse personne en chemin et qu’elle permette aux élèves en difficulté de rattraper leur retard.

Penser que l’école n’a pas à faire subir de frustration aux enfants revient à  leur faire croire que tout peut leur être accessible facilement et que rien ne doit leur résister : c’est à coup sûr en faire des frustrés à vie ! Ne faisons pas des élèves des Hans de Schnockeloch dont la chanson dit : « Tout ce qu’il veut, il ne l’a pas. Tout ce qu’il a, il n’en veut pas » !
C'est le risque du bac actuel qui, l'an passé par exemple, a été obtenu par 92% des S. Depuis 2006, cette consigne est écrite dans les épreuves de mathématiques : « Le candidat est invité à faire figurer sur la copie toute trace de recherche, même incomplète ou infructueuse, qu’il aura développée ». Oubliée la rigueur ancienne qui tenait compte et de la démonstration et du résultat, à la condition que l’une et l’autre soient correctes ! On comprend bien que cela permet d'obtenir les pourcentages élevés de réussite au bac recherchés par le ministère, quelle que soient la qualité des copies. 
J’imagine que cet esprit initié par l’Education nationale va se propager dans la société. Un jour peut-être, on acceptera une maison construite par un maçon incertain, mais qui pourra justifier par « toute trace de recherche, même incomplète ou infructueuse » de la qualité de son travail !

Il ne faut évidemment pas frustrer les élèves par principe et stupidement : une mauvaise note peut être frustrante mais, si elle est donnée avec justice, elle montrera en vérité à l’élève quel est son niveau réel de connaissances. Il aura à affronter la vérité qui le concerne, quoi de plus éducatif !

J’aime à citer le titre d’un livre qui colle bien à la réalité de notre société : « Cessez d’être gentils, soyez vrais »[1] ! Je le constate au quotidien auprès des jeunes managers : ils espèrent pouvoir manager en étant « gentils » et ainsi s’affranchir des difficultés relationnelles ! Il y a là une utopie que l’entreprise a vite fait de démonter, non parce que l’entreprise est brutale et inhumaine, mais parce qu’elle met chacun en face de ses responsabilités, tout simplement !

A l’école aussi ce principe a ses vertus et l’on peut dire à ceux qui craignent de frustrer les élèves : cessez d’être gentils, de ne pas noter, de ne pas frustrer, de materner, de protéger ! Mais soyez vrais : les enfants savent bien ce qu’ils méritent ou ne méritent pas, la seule chose qui leur importe vraiment est que ce qui les concerne le soit en toute justice, même si cela doit leur être désagréable.

Noter en toute justice est une oeuvre d'éducation : éducation à la justice.
Noter en toute vérité est une oeuvre d'éducation : éducation à la vérité. 
Suivre Benoît Hamon dans sa proposition " d'évaluation bienveillante ", c'est déjà commencer à mentir, à falsifier la vérité.

La question posée par la notation aujourd'hui n'est pas celle de l'impact qu'elle a sur les élèves.
C'est celle de l'échec de la scolarité en général : l'école manque d'efficacité, c'est sur ce point que le ministre devrait se pencher !




[1] Thomas d’Ansembourg, les Editions de l’Homme.

Des prénoms et de l'individualisme

Aujourd’hui, 27 juin 2014, l’Eglise nous invite à lire ce texte tiré de l’Evangile selon saint Luc (Lc 1, 57 – 63) :
« Cependant, le jour où Elisabeth devait enfanter arriva, et elle mit au monde un fils […]. Or le huitième jour, ils vinrent pour circoncire l’enfant. On voulait l’appeler Zacharie, du nom de son père ; mais sa mère, prenant la parole, dit : « Non, il s’appellera Jean ». On lui dit alors : « Mais il n’y a personne de ta parenté qui porte ce nom ! ». Et on demanda par signe au père comment il voulait qu’on l’appelât. Celui-ci se fit donner une tablette et écrivit : « Jean est son nom » ; et ils en furent tous étonnés ».

De tous temps et dans beaucoup de cultures, les prénoms se transmettent dans les familles : un lien se tisse ainsi entre les générations, par un désir conscient de chacun, comme si les parents disaient : « Mon enfant, ta présence sur terre est l’aboutissement d’une longue histoire qu’il est bon que tu gardes en mémoire ; tu n’es pas un être isolé, souviens-toi toujours de ceux qui t’ont précédé et par qui tu es là ! ». Chaque génération est rattachée étroitement à la précédente, la porte dans sa mémoire jusque dans les prénoms. Chaque génération est ainsi conduite à reconnaître ce qu’elle doit aux précédentes et à vivre dans une relation étroite avec elles.

A l’ère chrétienne qu’inaugurent Elisabeth et Zacharie, une ouverture s’est faite : on donna aux enfants le prénom d’un saint, choisi par les parents, qui deviendra le saint patron de l’enfant. Souvent d’ailleurs, ces prénoms se transmettaient dans les familles de génération en génération : c’était le cas du fils aîné à qui l’on donnait couramment le nom du père. C’était comme si les parents disaient : « Mon enfant, ta présence sur terre est l’aboutissement d’une longue histoire qu’il est bon que tu gardes en mémoire ; tu n’es pas un être isolé, souviens-toi toujours de ceux qui t’ont précédé dans la foi et par qui cette foi t’est transmise ! ». Ainsi, chaque personne chrétienne s’inscrivait dans la large succession de la famille chrétienne. Chaque génération était conduite à se reconnaître comme faisant partie de cette famille chrétienne à travers les âges.

Aujourd’hui, ces règles ne sont presque plus appliquées : le choix des prénoms s’est très largement ouvert avec, même, des inventions de prénoms ! En effet, beaucoup choisissent un prénom pour son originalité ou, au contraire, selon l’air du temps et la mode, car on observe bien une mode des prénoms. On sent, à travers cette évolution, comme un vent de liberté qui souffle sur notre société : faire ce que je désire, sans lien imposé par la tradition familiale ; choisir le prénom qui me plaît, sans contrainte. Ce désir de liberté est une belle chose car il est bon que chaque personne puisse vivre de manière libre. C’est d’ailleurs bien cette liberté à laquelle aspirent les adolescents qui ont hâte de « larguer les amarres » et « d’avancer en eaux profondes » !

En choisissant ainsi des prénoms en rupture avec l’histoire familiale, les parents semblent donner déjà, dès la naissance, ce goût de la liberté à leur enfant : « Va, va où tu désires, ne t’encombre pas de traditions familiales, ne te sens pas lié au passé, aux générations précédentes : fais ta vie ! ».

On peut s’interroger, néanmoins, sur la perte de ces traditions : ne représente-elle qu’une liberté gagnée ? Ne diminue-t-elle pas, de manière inconsciente, le lien de solidarité entre les générations ? En effet, notre société a évolué au cours des dernières décennies vers un très fort individualisme et l’on voit que cette évolution se concrétise à travers cette manière de choisir les prénoms : l’enfant est ainsi invité à n’avoir pas de lien familial. Son prénom ne le rend en rien redevable des générations précédentes. Mais à l’inverse, cet enfant risque de connaître la solitude d’un être si libre qu’il n’a plus de lien avec personne : or, l’homme ne peut être un loup solitaire car, par nature, il est fait pour vivre avec les autres, comme sa capacité innée à parler le prouve.


Le lien avec les générations précédentes m’ancre dans une histoire qui me permet de mieux comprendre mon destin : sachant d’où je viens, je peux mieux savoir où je vais.