A partir de mon livre : " Un peu de bon sens à l'école ... Ou l'école efficace sans dépenser un sou ! ".
Depuis
longtemps, des pédagogues en mal de « psychologisme » déclarent qu’il
ne faut pas noter car cela « stigmatise » les élèves, les « frustre »,
et maintient une pratique « discriminatoire » entre ceux qui ont un
milieu familial favorable et les autres.
Mais, sans notation, l’élève n’a
plus de référence sur la qualité de son travail et de ses efforts : or, en
toute chose et à toute étape de notre vie, nous avons besoin de points de
repères fixes et solides. Sans notation, l’élève est maintenu dans une bulle
irréelle de relations humaines car il risque de finir par croire que son
individualité (ses connaissances, ses savoirs, sa manière de travailler, …) est
détachable de toute autre réalité humaine et qu’il est sa propre référence.
Par ailleurs, la vie est
concurrence, choix, sélection : la notation prépare les élèves à cette
compétition habituelle. La compétition peut être considérée comme néfaste lorsqu’elle
épuise les forces des uns et des autres, et lorsqu’elle laisse les plus faibles
en chemin. Mais, la compétition est également une source de motivation
personnelle, une invitation à aller plus loin, à se dépasser. Il suffit de
regarder combien les enfants aiment se mesurer entre eux dans des activités
sportives ou dans des jeux pour comprendre qu’ils n’ont pas peur de s’étalonner
et de voir leurs efforts sanctionnés plus ou moins négativement : même
leurs jeux électroniques, qu’ils prisent tant, affichent toujours des scores à
battre ! A l’école, il suffit que la compétition soit saine, c'est-à-dire
qu’elle ne laisse personne en chemin et qu’elle permette aux élèves en
difficulté de rattraper leur retard.
Penser que l’école n’a pas à faire
subir de frustration aux enfants revient à leur faire croire que tout peut leur être accessible
facilement et que rien ne doit leur résister : c’est à coup sûr en faire
des frustrés à vie ! Ne faisons pas des élèves des Hans de Schnockeloch
dont la chanson dit : « Tout ce qu’il veut, il ne l’a pas. Tout ce
qu’il a, il n’en veut pas » !
C'est le risque du bac actuel qui, l'an passé par exemple, a été obtenu par 92% des S. Depuis 2006, cette consigne est
écrite dans les épreuves de mathématiques : « Le candidat est
invité à faire figurer sur la copie toute trace de recherche, même incomplète
ou infructueuse, qu’il aura développée ». Oubliée la rigueur ancienne qui tenait compte et de
la démonstration et du résultat, à la condition que l’une et l’autre soient
correctes ! On comprend bien que cela permet d'obtenir les pourcentages élevés de réussite au bac recherchés par le ministère, quelle que soient la qualité des copies.
J’imagine que cet esprit initié
par l’Education nationale va se propager dans la société. Un jour peut-être, on
acceptera une maison construite par un maçon incertain, mais qui pourra
justifier par « toute trace de recherche, même incomplète ou
infructueuse » de la qualité de son travail !
Il ne faut évidemment pas frustrer les élèves par principe et
stupidement : une mauvaise note peut être frustrante mais, si elle est
donnée avec justice, elle montrera en vérité à l’élève quel est son niveau réel
de connaissances. Il aura à affronter la vérité qui le concerne, quoi de plus
éducatif !
J’aime à citer le titre d’un livre qui colle bien à la
réalité de notre société : « Cessez d’être gentils, soyez
vrais »[1] !
Je le constate au quotidien auprès des jeunes managers : ils espèrent
pouvoir manager en étant « gentils » et ainsi s’affranchir des
difficultés relationnelles ! Il y a là une utopie que l’entreprise a vite
fait de démonter, non parce que l’entreprise est brutale et inhumaine, mais
parce qu’elle met chacun en face de ses responsabilités, tout simplement !
A l’école aussi ce principe a ses
vertus et l’on peut dire à ceux qui craignent de frustrer les
élèves : cessez d’être gentils, de ne pas noter, de ne pas frustrer, de
materner, de protéger ! Mais soyez vrais : les enfants savent bien ce
qu’ils méritent ou ne méritent pas, la seule chose qui leur importe vraiment
est que ce qui les concerne le soit en toute justice, même si cela doit leur
être désagréable.
Noter en toute justice est une oeuvre d'éducation : éducation à la justice.
Noter en toute vérité est une oeuvre d'éducation : éducation à la vérité.
Suivre Benoît Hamon dans sa proposition " d'évaluation bienveillante ", c'est déjà commencer à mentir, à falsifier la vérité.
La question posée par la notation aujourd'hui n'est pas celle de l'impact qu'elle a sur les élèves.
C'est celle de l'échec de la scolarité en général : l'école manque d'efficacité, c'est sur ce point que le ministre devrait se pencher !