mercredi 1 janvier 2014

Travail et christianisme, une confusion habituelle !

Hier, 31 décembre, sur France Inter, une émission était consacrée au livre " Platon La Gaffe, survivre au travail avec les philosophes ", de Jules et Charles Pépin.

Ce livre est fondé sur une idée géniale qui regroupe les grands philosophes dans une même entreprise "Cogitop", chacun ayant un rôle correspondant à ses travaux. Ainsi, Kevin Platon est un jeune stagiaire qui y fait un stage, Montaigne y est en période d'essai, Nietzsche est le directeur des ressources humaines, Sade est responsable des fournitures, Karl Marx est infographiste et délégué syndical, Nicolas Machiavel conseiller de la direction, ...

Je voudrais seulement m'arrêter sur ce que dit en tout début d'émission Charles Pépin. Il rappelle que le mot " travail " a pour étymologie le mot latin " tripalium ", instrument de torture constitué de trois pieux qui assurait une mort lente, et il affirme que l'occident chrétien a imposé une vision dévalorisée du travail, considéré comme une punition et qu'on a mis des siècles à sortir de cette vision.

Jean-Luce Morlie (sur lequel je n'ai pas d'informations, mais qui semble un linguiste distingué) écrit sur son blog : " Depuis longtemps déjà, les linguistes écartent l’hypothèse selon laquelle notre mot pour « travail » dériverait de la forme nominale tripalium ". Son article laisse penser que ce mot pourrait avoir pour origine le latin trabes qui désignait les deux poutres parallèles qui servaient à entraver bœufs et chevaux lors de leur ferrage. Ou encore le mot latin " orbis " (cercle) lié au travail agricole.

Pour ma part, j'avais lu un article qui donnait une autre origine du mot travail, qui n'avait rien à voir avec le tripalium. 

Je ne suis pas assez historien pour savoir si le christianisme a effectivement transmis systématiquement cette vision négative du travail. C'est possible. Mais, comme Charles Pépin l'indique, la Grèce avait déjà cette vision. Alors, ne peut-on pas penser que le christianisme, au contraire, a été à l'origine de cette évolution positive de la perception du travail et qu'il y a fallu des siècles pour cela, comme pour bien d'autres questions ?

Pourquoi je me permets de faire cette hypothèse ? Parce que, dans la Genèse, Dieu est présenté comme le Créateur tout-puissant qui modèle l'homme à son image et l'invite à travailler la terre et à garder le jardin d'Eden où il l'a placé : " Yahvé Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin pour le cultiver et le garder (Gn 2, 15) ".

Depuis longtemps déjà, la Doctrine sociale de l'Eglise commente ce texte ainsi : " Au premier couple humain, Dieu confie la tâche de soumettre la terre et de dominer sur tout être vivant. La domination de l'homme sur les autres êtres vivants ne doit cependant pas être despotique et insensée ; au contraire, il doit " cultiver et garder " les biens créés par Dieu : biens que l'homme n'a pas créés mais reçus comme un don précieux placés par le Créateur sous sa responsabilité. Cultiver la terre signifie ne pas l'abandonner à elle-même ; exercer une domination sur elle, cela veut dire en prendre soin, comme un roi sage prend soin de son peuple et un berger de son troupeau ".

Observant que ces textes remontent à plusieurs siècles avant le Christ, je ne suis pas tenté de dire, comme Charles Michel, que le christianisme a donné une triste vision du travail, mais que la Parole de Dieu elle-même met des siècles à être bien comprise et interprétée par l'homme quelqu'il soit.

En son alinéa suivant (256), la Doctrine sociale de l'Eglise poursuit : " Le travail appartient à la condition originelle de l'homme et précède sa chute : il n'est donc ni une punition, ni une malédiction. Il devient fatigue et peine à cause du péché d'Adam et Eve, qui brisent leur rapport de confiance et d'harmonie avec Dieu [...] Ils voulurent la domination absolue sur toute les choses, sans se soumettre à la volonté du Créateur. Depuis lors, le sol se fait avare, ingrat, sournoisement hostile ; ce n'est qu'à la sueur de son front qu'il sera possible d'en tirer la nourriture [...] Cependant, en dépit du péché des premiers parents, le dessein du Créateur, le sens de ses créatures et, parmi elles, de l'homme, appelé à cultiver et à garder la création, demeurent inaltérés ".

Si le travail appartient à la condition originelle, c'est que c'était " bon ". Au chapitre de la création du monde, dans la Genèse, chaque acte créateur s'achève par cette remarque " Et Dieu vit que cela était bon ". Dieu n'a pas pu, dans son dessein de Créateur plein d'amour, offrir à l'homme un supplice (le tripalium).

Si le travail est bon, c'est certainement parce qu'il a des vertus pour élever l'homme vers son destin et pour lui permettre de s'accomplir. Il en est toujours de même. On le voit bien dans les enquêtes sur le travail, et ce depuis des années, une grande majorité de personnes (60% à 70%) disent être heureuses de leur travail. Voyez comme les personnes dont l'entreprise ferme parlent de tout ce qu'elles y ont accompli au cours des années, des décennies passées !

Donc, le travail est bon et, depuis toujours, beaucoup d'hommes et de femmes l'ont ainsi vécu. Probablement, faudrait-il faire une exception de la condition humaine depuis le développement technologique de la fin du XVIIIème siècle ?

Mais, laisser entendre que le christianisme a développé une vision négative du travail me semble erroné. Peut-être que Monsieur Charles Pépin n'a-t-il comme connaissance du christianisme que celle véhiculée par ceux qui ont de l'aversion pour toute religion, ou pour le christianisme, et qui ne connaissent pas cette religion, ou ne la connaissent que par des stéréotypes un peu éculés ?

Il appartient aux chrétiens de mieux faire comprendre tout les apports de leur religion au bien commun, et ces apports sont immenses, n'est-ce pas ?




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