jeudi 29 mai 2014

De Shimon Perez et du Pape : la laïcité.

Pleure, Ô ma laïcité !

Les mots d’accueil du Président israélien Shimon Perez au Pape François lors de son récent voyage en Terre sainte (« Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » - en hébreu : « Baruch haba beShem Adonaï ») m’incitent à écrire ces lignes.

Je présume que si notre Président de la République accueillait un jour le Pape avec une telle salutation, cela ferait un buzz d’enfer !!!

Mais serait-ce vraiment contrevenir à la laïcité ?

La laïcité est une belle proposition de vie qui propose à l’Etat et à la religion de respecter chacun le domaine de l’autre.

La loi de 1905 dit en ses deux premiers articles :

-         la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public (art1) ;
-         la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte (art2) ;
-         pourront toutefois être inscrites auxdits budgets [de l’Etat] les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons (art2).

L’Etat se reconnaît donc comme un domaine séparé de la religion : il ne reconnaît aucune religion comme religion officielle, et donc ne salarie ni ne subventionne aucun culte. C’est un excellent équilibre.

Mais, l’Etat va plus loin qu’une simple acceptation des cultes, il en garantit le libre exercice et il assure la liberté de conscience. C’est un bel engagement, car il sous-entend que l’Etat reconnaît que la religion peut faire partie de la vie de certains citoyens, qu’ils en vivent et en ont besoin : il ne rejette pas l’idée de religion, il ne lui est pas opposé par principe. Ce n’est donc pas une laïcité de combat.

Mais de plus, il s’engage à aider les citoyens à pratiquer leur culte quand il met lui-même ses citoyens en position de ne pas pouvoir le pratiquer dans les instances de sa religion : il prend en charge les dépenses relatives à des services d'aumônerie dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. Il le fait également pour les armées puisqu’il prévoit dans son budget des postes d’aumôniers militaires (protestants, juifs, musulmans et catholiques), afin que les militaires puissent exercer leur culte quand ils sont en opérations.

Cette loi est excellente : elle sépare sans opposer, elle reconnaît sans juger, elle donne les moyens d’assumer ses responsabilités.

Du côté de l’Eglise, normalement tout devrait être dit avec cette phrase de Jésus Christ : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Même séparation sans opposition, même reconnaissance sans jugement !

Certes, des chefs d’Etat, au cours de l’histoire, ont voulu dominer l’Eglise : c’est ce que l’on appelle le « césaro-papisme » ou tentation du pouvoir (César) d’influer sur l’Eglise (Pape).
Bon, il y a eu, en retour, des tentations de « papo-césarisme », nul n’étant parfait !

Cependant, en France, la laïcité a tendance à prendre parfois des tournures excessives, cherchant à contraindre la foi à ne se vivre qu’en privé. Rien, dans la loi, ne justifie une telle attitude.
A une époque où l’on exige que les visages soient découverts (niqab ou burka), on voudrait que la foi soit cachée !
Par ailleurs, pourquoi seule la foi religieuse devrait se cacher, et non pas les professions de foi politiques ? Pourquoi toute philosophie pourrait s’exprimer en public et pas la religion, équivalent d’une philosophie pour ceux qui veulent en exclure le côté religieux ? Pourquoi une telle intolérance vis-à-vis des idées religieuses alors que « la République assure la liberté de conscience » ?

Pour revenir à l’exemple de Shimon Perez, qu’y aurait-il donc de dangereux pour la République à ce que le Président de la République, lors de l’accueil d’un Pape, souhaite, en mots, le « bénir » (c'est-à-dire littéralement « dire du bien ») et à reconnaître qu’il « vient au nom du seigneur » (puisque c’est lui – le Pape - qui dit venir au nom du Seigneur) ?

Beaucoup, parmi ceux qui appellent de leurs vœux à la paix sociale dans notre pays, vivent cependant une laïcité de combat : il serait bon qu’ils prennent conscience de l’incohérence entre ces deux aspirations !

Ils pourraient pour cela écouter à nouveau Shimon Perez qui a dit au Pape, au cours du même voyage : « Vous construisez des ponts et des rapports entre peuples jusqu’ici ennemis » : « les citoyens israéliens sont émus de votre arrivée » qui suscite « une grande espérance pour l’avenir ».

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